Il n’est pas aisé, dans un contexte inflationniste, économiquement et socialement dégradé, de repérer les signaux relatifs au marché de l’immobilier. Pour nous éclairer, Matthieu Vincens de Tapol, Président de la Chambre des notaires de Gironde et Christophe Duportal, président de l’Observatoire Immobilier du Sud-Ouest (OISO) nous livrent quelques clés de compréhension sur ce territoire. 


« Voici dix ans que la population de Gironde progresse fortement et en fait l’un des départements en tête de la croissance démographique, pour de multiples raisons, notamment économiques, avec un beau tissu de PME, avec le développement du secteur de l’aéronautique ou du secteur hospitalier, mais aussi avec la place des activités agricoles, viticoles ou forestières », explique Matthieu Vincens de Tapol, président de la Chambre des notaires de Gironde. Tout cela explique la progression passée et l’attrait à long terme du département ». Dans ce contexte, et pour ces raisons, le marché de l’immobilier est scruté avec attention. 

Le neuf morose 

Dans le secteur du logement neuf d’abord. L’année 2022 a été « morose » pour reprendre le qualificatif de l’OISO. Pour son président, Christophe Duportal, « cette situation n’est pas particulière à la Gironde, mais principalement lié à la conjoncture. L’évolution des ventes est en forte diminution notamment en raison des difficultés d’accès au crédit, de l’attentisme des clients particuliers ». En Gironde, les ventes et mises en vente sont en retrait de 19 % par rapport à 2021 et l’offre en recul de 12 %. Quant à la métropole bordelaise, c’est elle qui concentre l’essentiel des mises en vente et des ventes du département, majoritairement à destination des propriétaires occupants. Un tiers des ventes est même concentrée sur la commune de Bordeaux, et notamment sur les secteurs aménagés, ainsi qu’en première couronne métropolitaine. « Nous observons que ce sont particulièrement la ZAC Bastide Niel ou l’OIN Euratlantique qui porte la production de logements, ainsi que, entre autres, dans le centre et dans le secteur de Floirac ». Pour le président de l’OISO, le niveau d’activité dans le neuf requiert une mobilisation : « L’attractivité du territoire nécessite une prise de conscience d’accélérer la production de logements. Plusieurs organisations professionnelles comme l’Union régionale des HLM et la FFB ou la FPI interpelle les pouvoirs publics. La baisse de la production va réduire de façon drastique la part de logements sociaux, que nous réalisons pour 50 % sur Bordeaux Métropole. Quant à l’activité du secteur du Bâtiment, la baisse des ventes va réduire le nombre de passations de marchés et va avoir, dés le second semestre, des conséquences sur les corps d’état secondaire ». Enfin, et ce n’est pas un paradoxe avec le coûts des matériaux de construction et un environnement inflationniste, les prix demeurent à la hausse, + 5 % en 2022, soit un prix moyen de 4 825 €/m2 en Gironde. 

L’ancien en recours 

Dans le secteur de l’existant, la situation est finalement en partie liée à la morosité du logement neuf et à l’attractivité unanimement saluée des territoires de Gironde. A fin novembre 2022, le volume de ventes d’appartements anciens en Gironde (source : Notaires de France-BDD Perval) a progressé de 2,5 %, confirmant une bonne dynamique, même si la surprise est ailleurs : « Nous pensions avoir atteint un sommet mais la hausse des prix s’est poursuivie, avec, au 31 décembre 2022, + 2,4 % pour les appartements anciens et 5,5 % pour les maisons anciennes », précise le président de la Chambre des notaires de Gironde. Le prix de vente médian des maisons anciennes de l’agglomération de Bordeaux est de 381 500 € et le prix médian des appartements anciens (sic !) à Bordeaux de 4 640 €/m2. Comme le précise le rapport sur la conjoncture immobilière de la Chambre des notaires du département, « En Gironde, par rapport à a tendance constatée en France (hors Ile de France et DOM), l’indice de prix des maisons anciennes a gagné plus de 7 % alors que la progression de l’indice de prix des appartements anciens s’établit à + 2,4 % » souligne le rapport de conjoncture immobilière. C’est bien dans le secteur des maisons anciennes que la hausse des prix est conséquente : « La crise sanitaire a été révélatrice de nouveaux besoins avec la recherche d’un bien global, constate M° Matthieu Vincens de Tapol. Dans la mesure où les terrains à bâtir son rares, le coût de constructions élevés, les délais entre la recherche du terrain et la livraison longs, la maison ancienne est recherchée. D’une façon générale, le marché ancien des maisons mais aussi des appartements est très fluide en Gironde et ce sont, en moyenne, des biens possédés depuis moins de 5 ans qui sont à la vente. De plus, dans le département, 80 % des acquéreurs sont Girondins, les 20 % restants étant de nouveaux arrivants ( 7 % de Province, 7 % % d’Ile-de-France, 3 à 4 % du reste de Nouvelle-Aquitaine et 2 % constitués d’expatriés s’installant à Bordeaux). Mieux : parmi les 80 % d’acheteurs, 30 à 40 % acquièrent un bien sur la même commune que celle où ils étaient domiciliés auparavant. Comme le rappelle le président de la Chambre des notaires de Gironde, « les appartements anciens à Bordeaux ne se trouvent pas dans les mêmes secteurs que l’offre de logements neufs ». Ailleurs en Gironde, le Bassin d’Arcachon affiche une belle activité dans le secteur des maisons anciennes, avec de fortes évolutions de prix sur un an : + 17,5 % à Arcachon, + 14,7 % à Mios, + 17,2 % à Audenge, + 12,8 % à Andernos-les-Bains, alors que l’année 2021 avait déjà signé un record ! Zone à la fois de villégiature, mais aussi d’activité et d’attrait pour des actifs bordelais, le Bassin d’Arcachon ne doit pas cacher des écarts de prix avec d’autres territoires du département, comme dans le secteur de Libourne où, en matière de maisons anciennes, Castillon-la-Bataille, avec – 15 %, est « la commune la plus abordable du secteur avec un prix médian de 98 000 € ». Comment envisager l’année 2023 ? Matthieu Vincens de Tapol estime que le marché devrait tendre vers une stabilisation des prix : « Le volume des ventes pourrait être ralenti par le positionnement des banques en matière de financement ». Quoi qu’il en soit, le département de Gironde et la métropole bordelaise démontrent, malgré les aléas conjoncturels, malgré le brouillard de la conjoncture, une dynamique réelle capable d’alimenter le marché des logements anciens mais aussi celui secteur du logement neuf, à condition d’une accélération de la production, comme demandée par l’ensemble des acteurs.