Maître Philippe PAILHES et Maître Frédéric GIRAL, délégué de l’Institut Notarial de Droit Immobilier ont commenté et analysé les chiffres récents de l’immobilier pour la période courant du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 ce mardi 28 septembre 2021 autour d’une conférence de presse à la Chambre des Notaires de Toulouse. « Ces derniers chiffres méritent une mise en perspective particulière tant ils couvrent une période compliquée ; l’attente était grande de savoir si ce marché immobilier avait résisté à la situation sanitaire et économique inédite que nous traversons encore » a précisé Me Frédéric Giral.


Niveau record de transactions et phénomène de la maison « semi-principale »

Tous les pronostics pessimistes envisagés jusqu’à présent sont à ce jour infirmés, complète Me Frédéric Giral

Avec 1,15 millions de transactions en France envisagées pour la fin de cette année, et peut être même plus, le goût des Français pour la pierre se confirme et se renforce. Ce niveau de transaction dépassera donc celui qualifié d’historique en 2019. « 2021 est une année de très forte croissance, le marché est très orienté, très actif et le phénomène se confirme partout en France. Les prix sont en nette augmentation depuis 3 ans et sur toutes les catégories de biens. Après la signature d’un mandat, un bien à Toulouse met en moyenne moins d’un mois pour être vendu », observe Me Philippe Pailhès.

Si le chiffre des volumes sur la période étudiée présente une légère inflexion (-3,3%), il convient donc de le nuancer à la lumière des périodes successives de reprises ou d’empêchements qui ont fait fluctuer le rythme des transactions. Les notaires notent par ailleurs que cette baisse des volumes impacte essentiellement le marché du neuf qui est en net repli et qui fait face en Haute-Garonne à une pénurie d’offre.

Enfin un phénomène nouveau qui se confirme, celui de la maison « semi-principale » et l’attractivité des Départements limitrophes à la Haute-Garonne. Le seul exemple de l’augmentation des prix sur le département de Tarn-et-Garonne en est une traduction : +6,5% sur le prix médian de la maison ancienne ; +14% à Montauban sur l’appartement ancien. « Les confinements successifs et l’arrivée du télétravail ont provoqués des réflexions en matière immobilière. Et de la réflexion, les acteurs sont passés à l’action ! On peut désormais continuer à louer un appartement à Toulouse et acheter une petite maison dans le Tarn où l’on télétravaillera les fins de semaine. Nous sommes de plus en plus nombreux à expérimenter des modes de vie mixtes qui privilégient le temps partagé entre deux lieux d’habitation », explique Me Philippe Pailhès.

On observe un phénomène de glissement des transactions de la Haute-Garonne au Tarn-et-Garonne.

Me Frédéric GIRAL

Une hausse généralisée des prix

Sur l’appartement ancien et la seule ville de Toulouse, l’augmentation des prix sur la période est de 8,4%. Le prix médian au m2 est désormais à 3110 € à Toulouse, derrière Balma et Pibrac (respectivement à 3250€ et 3220 €) ; Des villes comme Albi ou Rodez connaissent, elles aussi, des augmentations de prix majeures (+ 8,9 % à Albi et Rodez, + 10% à Auch).
Il est à noter que la typologie des biens recherchés ne change toujours pas, les 2 et 3 pièces captent la majorité du marché.
En Haute-Garonne, certaines communes présentent des augmentations de prix assez spectaculaires : +10,1% à Ramonville avec un prix au m2 à 2700 €, +12,9% à Fenouillet pour 2160 € le m2, +13,4% à Fonsorbes pour 2170 € le m2 ou encore +12,3% à Castelnau-d’Estrétefonds et 1930 € le m2.

À Toulouse, 5 quartiers dépassent aujourd’hui les 5 000 € au m2 (Saint-Etienne, Carmes, Capitole, Saint- Georges et Saint-Aubin). Près d’une dizaine de quartiers se situent désormais à plus de 4 000 € le m2 (dont Matabiau +8,7%, Le Busca +10,4% ou Saint-Michel +10%). Par « contamination » l’augmentation des prix touche à présent tous les quartiers, de Papus +17,3% (pour un prix médian à 1230 € le m2) à Purpan +15,2% (2510 € le m2), en passant par Lardenne + 15,9% (2970 € le m2) ou encore Jules Julien +18,8% (3690 € le m2). « Cette inflation peut nous laisser penser que ce marché de l’appartement ancien devient de plus en plus spéculatif car c’est l’augmentation des prix qui déclenche l’offre », commente Me Philippe Pailhès.

On distingue une contamination et une acceptation de la hausse des prix, même dans les quartiers les moins côtés. Cela résulte d’une mutation des quartiers voisins élevés vers des quartiers aux coûts plus accessibles : la hausse des prix est générale.

Me Philippe PAILHES

Sur le marché de la maison ancienne, les prix affichent une augmentation de 4,4% avec un prix médian à 258 000 €. Il faut envisager que ce marché augmente encore pour atteindre 5% d’augmentation en fin d’année. La typologie des maisons recherchées par les acquéreurs ne change toujours pas : les 4 pièces représentent 36% des ventes, 28% pour une maison de 5 pièces.
Les taux d’intérêt qui ont encore baissé stimulent là aussi un marché qui n’est pas près de baisser. Pour les primo accédants dont le budget moyen est de 250 000 €, ils doivent désormais accepter de s’éloigner de Toulouse pour avoir leur maison ; les villes de la première couronne toulousaine demandant des budgets importants : 350 000 € à Tournefeuille, 305 100 € à Saint-Orens, 272 100 € à Colomiers. Dans les départements voisins -à l’exception de l’Ariège – les prix de vente sur la maison ancienne sont également partout en hausse : +6,5% en Tarn-et-Garonne (166 200 €), +5% dans le Tarn (147 000 €), +6,2% dans le Gers (150 000 €). Si ce marché est moins spéculatif, la maison correspondant toujours à une réelle attente et traduit un changement des habitudes et des mentalités des acquéreurs post confinement.

On notera toutefois un certain recul des ventes de maisons anciennes sur Toulouse -3,1%, Balma -7,9%, Blagnac -6,2% … le marché est moins actif sur des biens nécessitant un très haut budget, sans compter que l’offre a tendance à se raréfier.

Le marché des terrains à bâtir crée pour une fois la surprise en affichant une augmentation des prix (+9,3%) et des volumes (+11,8%) à la hausse. « L’externalisation constatée a réveillé ce marché, essentiellement de primo-accédants » précise Me Giral. L’observation faite l’an dernier concernant les petits terrains (-de 600 m2) se confirme : il y a bien un seuil au-delà duquel on ne peut concevoir un projet immobilier. Les superficies privilégiées se situent entre 600 et 900 m2. Le prix médian pour la Haute – Garonne s’établit à 91 000 €. Dans les départements limitrophes, le Tarn-et-Garonne se distingue à nouveau avec un prix médian du terrain à 50 000 € (+11,1%). « Avec cette augmentation des prix, il est à prévoir que les projets de construction de maison individuelle deviennent de plus en plus cher car, non seulement le prix des terrains augmentent, mais les prix des matériaux et les obligations environnementales aussi » remarque Me Pailhès.

Les nouvelles normes énergétiques et environnementales provoquent l’augmentation des coûts de construction des maisons.

Me Frédéric GIRAL

Durée de détention des biens et âge des acquéreurs

Dans cette photographie immobilière, deux items méritent d’être soulignés. Tout d’abord, dans le profil des acquéreurs on constate que les – de 29 ans sont présents à la hausse sur le marché, tout comme la tranche 30/40 ans. C’est l’effet « crédit accessible ».

Ces transactions sont portées par des taux d’intérêts bas et des modes de financement de plus en plus accessibles.

Me Philippe PAILHES


«Le dynamisme de l’immobilier vient aussi de l’âge de ses acquéreurs, et cela reste un bon signe que les jeunes puissent devenir propriétaire», explique les notaires. Sur la période étudiée, les cadres supérieurs ont été sensiblement moins présents et se sont révélés plus hésitants sur le marché immobilier ; les plus actifs restent les professions dites intermédiaires.

Autre point mis en lumière, la durée de détention des biens. La mise en vente après moins de 5 ans d’acquisition est en phase exponentielle et représente désormais un quart de l’offre. C’est un signe annonciateur d’un marché de plus en plus spéculatif. Face à l’augmentation des prix, les acquéreurs capitalisent moins sur le long terme. Mais cette faible durée de détention des biens reflète sans doute également des changements sociétaux et des accidents de la vie plus nombreux.

Que nous réserve 2022 ?

Si la fin de l’année 2021 confirmera les paramètres de croissance et de vivacité du marché immobilier, il faut s’attendre à un ralentissement ou du moins à un tassement des transactions en 2022. « Il faudra pour cela observer l’économie monétaire et l’actualité des taux ainsi que le comportement des acquéreurs dans une période pré-électorale qui, historiquement, a toujours ralenti le rythme du marché », conclut Me Philippe Pailhès.